Golf en Norvège à Oslo et Kristiansand

NORVEGE

Golf dans la forêt des trolls

En Norvège, parmi les plus beaux parcours de Scandinavie, près d’Oslo, la douce capitale, et à Kristiansand, dans le sud du pays.

Extrait du Figaro Magazine du 14 septembre 2012 (photo Stanislas Fautré).

Fanny, une jeune Française travaillant à Kristiansand depuis plusieurs années, s’en amuse : « A mon arrivée, mes collègues m’ont demandé quel sport je pratiquais. Le golf, bien sûr, que j’aime depuis l’âge de 6 ans. Un sport ? Plutôt une balade ! m’ont-ils répondu ». Le Norvégien est un sportif invétéré. Du ski l’hiver, forcément, puisque chaque habitant est né avec une paire de spatules aux pieds. Et l’été, beaucoup de randonnées. Aussi faire sa « balade » de golf en voiturette semble une aberration. Le sac est sur les épaules et le pas volontaire. Même sur les reliefs les plus accidentés.

Le parcours de Bjaavann n’est pas le plus pénible. A vingt minutes de Kristiansand, en longeant le fjord, s’ouvre doucement le pays des trolls, ces lutins nordiques qui, comme chacun sait, vivent entre étangs et forêts. Ils se cachent aussi près du lac Bjaavann qui, tôt le matin, se couvre souvent d’une brume mystérieuse. C’est dans cet univers mythologique que le célèbre architecte américain Robert Trent Jones Jr. a laissé filer son imagination fertile. Le résultat est envoûtant. Malheureusement, il ne faut pas trop se laisser griser par ce site grandiose. Car le designer cruel a corsé le parcours dès les premiers trous. Et s’est amusé, sur le trou n° 2, à proposer un double fairway. Entre option risque et voie plus tranquille. Mais, chaque fois, le green, entouré par l’eau du lac, n’est pas vraiment accueillant.Au pied des montagnes boisées d’essences typiquement scandinaves, le Bjaavann (beauté, en français) et ses petits ruisseaux qui affluent vers son eau pure a toujours l’oeil sur le joueur présomptueux. Qui devra aussi se méfier des nombreux rochers affleurants, donnant un trait supplémentaire au tableau. « On m’a fourni une belle toile pour y développer notre art, s’enflamme Robert Trent Jones Jr. Ce site extraordinaire incarne les très nombreux atouts propres à la Norvège. Il nous fallait humblement en sortir le meilleur tout en respectant cette nature magnifique ».

Effectivement, tout cela coule de source. Comme près de la rivière, non loin du golf, où vient d’ouvrir un refuge de pêche dans une vaste bâtisse familiale au charme fou. Johan Olsen, le propriétaire de Boen Gard, est un grand spécialiste de la mouche. Et connaît les moindres repaires des saumons qui bravent le torrent. Devant un verre de jus de pomme de son verger, il est heureux de rappeler : « Si vous voyez tous ces poissons qui remontent, c’est grâce à un Français, Richard Vibert, qui a inventé une petite boîte pour protéger les oeufs ». Le respect de l’environnement chevillé au coeur, on le ressent aussi à Kristiansand, ville paisible au bord de la mer du Nord. L’été, quand le soleil tarde à se coucher, est beaucoup plus propice à la fête, notamment lors du Palmesus Festival qui, sur la plage, réunit des groupes de musiciens locaux et internationaux. Pour préserver ses oreilles et exalter sa vue, rien de mieux que de faire le tour du fjord en bateau. Au fil de la petite croisière, les maisons en bois rivalisent de couleurs. Avec le retour sur terre, la visite de la toute nouvelle « maison de la culture » s’impose. Près de Fish Market, deux salles immenses d’opéras et de concerts à la pointe de la technologie. On peut certainement y dénicher quelques gouttes de l’argent du pétrole…

Au pays des drakkars, chaque trou porte le nom d’un dieu viking

Car la Norvège est très solidement assise sur ses plates-formes productrices d’or noir. Son économie est l’une des plus riches du monde, les salaires sont au moins le double de ceux de la France et, forcément, le coût de la vie y est particulièrement élevé. Notamment à Oslo, la douce capitale, qui toutefois mérite bien des efforts. Le vieux quartier des maisons en bois (dont la construction est désormais interdite) côtoie un vaste programme de valorisation du front de mer. Moderne mais pas vilain. Oslo, ville des prix Nobel de la paix, préserve son riche passé culturel. Parmi les musées, le plus au fait de l’actualité est celui consacré à Edvard Munch. Le peintre, précurseur du mouvement expressionniste, très prolifique et n’ayant pas d’héritier, a laissé une oeuvre énorme à son pays. En particulier, les quatre Cri, dont trois sont toujours la propriété de la Ville. 2013, sera l’année Munch à Oslo, pour le 150e anniversaire de sa naissance. Avec moult manifestations.

On ne sait si l’artiste aurait aimé le paysage de Miklagard. Du moins, il aurait pu peindre un golf bien pensé, à l’entretien méticuleux. Là encore, l’architecte Robert Trent Jones Jr. a sévi pour signer, avec Bjaavann, les deux top parcours de Norvège selon le Guide Rolex des 1 000 meilleurs parcours du monde. Nous sommes dans une des régions historiques des Vikings. Chaque trou porte d’ailleurs le nom d’un dieu ou d’un héros des bâtisseurs de drakkars. Le ton est donné : il faudra être conquérant pour tenter de coloniser une contrée exigeante. Dès le départ, l’assaut s’annonce physique. Même si ce n’est pas dans la culture du pays, l’aide d’un petit vaisseau mécanique sera bien utile pour ne pas s’essouffler au bout de deux trous. Car l’essentiel de l’énergie doit se concentrer sur la stratégie. Trent Jones Jr. a appliqué, presque à la lettre, sa philosophie d’un challenge golfique : des options franches pour les bons coups, des punitions sévères pour les mauvais, avec ses marques de fabrique, vastes bunkers en nombre consistant, roughs épais comme un manteau de fourrure, plans d’eau jamais rassasiés de balles et greens torturés à souhait. Pour se rassurer, chacun pourra adopter son propre départ. Une des particularités du golf norvégien : les tees, reculés ou très avancés, varient selon les compétitions. Après un beau défi, il sera temps de profiter du chaleureux club-house avec son toit recouvert d’une herbe libre qui reprend vite de la vigueur sitôt la neige fondue. Là où la nature préservée et le rythme des saisons ne sont pas des mythes.

Denis Lebouvier (pour Le Figaro Magazine du 14 septembre 2012)

Le reportage sur LE FIGARO GOLF : Norvège : golf dans la forêt des trolls

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