MELBOURNE
Greens australiens au sommet
Près de la deuxième ville australienne qui ne cesse de prendre de la hauteur, les golfs historiques rappellent l’influence toute britannique. Un gage de grande qualité sur des sites remarquables.
Extrait du Figaro Magazine du 11 février 2014 (Photo Eric Martin).
Les golfeurs de la Province de Victoria sont gâtés. Ils résident près d’une capitale en plein dynamisme où les architectes s’adonnent à de sévères parties pour décrocher la palme de l’originalité. Sitôt quitté Melbourne, ils profitent des plages de Philipp Bay avant de descendre vers Mornington Peninsula où la douce nature du sud de l’Australie cohabite parfaitement avec les vagues caractérielles de l’Océan indien. Les joueurs sont aussi privilégiés parce que la proche banlieue de Melbourne préserve jalousement deux des quinze plus beaux parcours planétaires selon le très respecté guide Rolex des 1 000 meilleurs golfs du monde. Sur le même tableau d’honneur, avec la note maximale, le Kingston Heath et le Royal Melbourne partagent leur diplôme d’excellents élèves avec St Andrews (Ecosse) et Augusta (Etats-Unis).
La référence à l’Augusta National, théâtre du prestigieux Masters, n’est pas anodine. Avant de réaliser son chef d’œuvre américain, l’architecte Alister MacKensie s’est expatrié un temps en Australie pour répondre aux exigences des immigrants golfeurs de la puissance britannique. Ainsi est né, en 1926, le très feutré Kingston Heath. Peter, sexagénaire jovial, est au départ du trou n°15 : « On termine presque le parcours et on se retrouve devant ce tapis de trappes de sable pour atteindre un petit green avec des pentes vicieuses. Jusqu’au bout, une concentration maximum est exigée. Mais il faut être à la hauteur de ce chef d’œuvre « signature », à la hauteur de MacKensie, qui, sur un espace assez réduit, pour des trous assez courts, nous impose des bunkers monstrueux. » Sur tout le parcours, le sandwedge est à portée de main. Compagnon, parfois d’infortunes, Aldrin acquiesce : « J’ai parfois de belles galères. C’est pour cela que je ne viens pas trop souvent ! Mais être membre à Kingston Heath permet de revenir à l’origine du golf. Et c’est aussi une question de standing. » Qui se paie de patience car la liste d’attente est très fournie.
Le premier golf de Melbourne, à l’origine, était plus proche du centre historique. Mais, avec la forte expansion urbaine, dès le début du XXe siècle, les fairways ont trouvé refuge un peu plus au sud. Depuis, la deuxième ville ne cesse de grandir sur tous les schémas géométriques. Le « Block », d’inspiration victorienne, saupoudré de plusieurs influences européennes, semble écrasé par les tours de tout style qui ne cessent de pousser. Le vieux quartier, datant des années 1850, a toutefois préservé tout son charme, entre ses anciennes boutiques et ses ruelles où s’alignent les terrasses des petits restaurants. Pour résolument prendre de la hauteur, on se doit de prendre l’ascenseur privatif de Vue de Monde, l’établissement très chic de Shannon Bennett. Au 55e étage, sur l’ancienne plate-forme du Rialto, le grand chef sert des plats sophistiqués sur ses tables recouvert de peau de wallaby.
Albert Park, son stade de tennis, son circuit de F1… et son golf en ville
Les habitants de Melbourne aiment contempler leur ville depuis les « rooftop ». Avec la construction de la tour Eureka, ils sont comblés. Un cube en verre, perché au sommet, permet d’être « suspendu » avec 300 m de vide sous les pieds. La ville y dévoile son fort dynamisme avec des dizaines de chantiers. Son développement y est retracé dans le nouveau musée de l’histoire de Melbourne, très riche en documents depuis l’arrivée des colons britanniques et de la communauté chinoise. Le National Museum of Victoria est aussi l’un des derniers chefs d’œuvre architecturaux de la mégalopole.
Si le béton et les façades de verre prennent de plus en plus d’importance, il faut peu de temps (notamment en tramway typique) pour profiter d’Albert Park. Ce poumon vert, avec la présence d’un 18 trous public au cœur de la ville, prouve un peu plus que l’Australie a depuis longtemps intégré le golf dans sa culture. En quittant Melbourne, la route du sud, longeant la baie de Port Philipp, s’ouvre sur la Mornington Peninsula. Des dizaines de golf s’y nichent dans une campagne paisible, formant ce que les joueurs australiens appellent la Sandbelt. Le plus spectaculaire est certainement le Flinders Golf Club qui vient de fêter ses cent dix ans. La haute bourgeoisie de Melbourne, à la fin du XIXe siècle, avait déjà choisi ce lieu de villégiature pour ses plages. Elle n’a pas tardé à concevoir un parcours qui va s’avérer spectaculaire.
Construits sur la falaise, les fairways s’enchaînent en terrasse. Aussi, sur chaque trou, la vue est imprenable sur la côte sauvage, sur Western Port Bay jusqu’à Philipp Island et le détroit de Bass. « Je considère Flinders comme un parcours unique même si certains aiment le comparer au dessin californien de Pebble Beach », note Peter Thomson, quintuple vainqueur de l’Open britannique. Habitué des lieux, le champion australien fait part de sa riche expérience : « Quelque soit la saison, on doit toujours composer avec le vent, plus ou moins virulent. J’ai alors remarqué que sur une même partie, je peux utiliser tous les clubs de mon sac. A force de penser stratégie pour éviter de nombreux pièges, on arrive au trou 18 éreinté ! » Et Peter Thomson de donner un dernier conseil : « Heureusement, on peut vite filer vers le clubhouse qui possède l’une des plus belles caves de la région. »
La Mornington Peninsula est effectivement une remarquable région viticole, l’une des plus réputées d’Australie grâce à son climat océanique. Avec en majorité des cépages chardonnay et pinot noir, certains vignobles peuvent se visiter à dos de cheval. Au galop ou au pas tranquille suivant le niveau du cavalier. Les éventuelles courbatures seront vite oubliées à Peninsula Hot Springs. Les deux sources d’eau chaude (entre 36 et 43 degrés) sont exploitées récemment avec une vingtaine de bassins différents, dans un univers très zen. Une dernière expérience golfique au très exclusif parcours de Portsea permettra de découvrir la pointe extrême du détroit de Bass. Le parc national englobe un ancien dispensaire où de nombreux migrants, venus notamment de Liverpool, trouvèrent la mort, victimes du typhus. Après la quarantaine, les survivants pouvaient poursuivre la navigation jusqu’à Melbourne et poser les premières pierres. Qui, depuis, ont pris une sacrée hauteur.
Denis Lebouvier (pour Le Figaro Magazine du 11 février 2014)
Le reportage sur LE FIGARO VOYAGE : Melbourne sur greens